Atomic Mac, juin 2021 : spécial Fukushima

Aujourd’hui, on reçoit Georges Griot, militant antinucléaire sur le bassin valentinois que vous connaissez bien puisqu’il anime chaque mois une chronique sur Fukushima. À l’approche des Jeux Olympiques de Tôkyô, nous nous sommes dits qu’avoir la vision de Georges sur ce qui se profile était une bonne chose, en regard de ce qui avait été fait précédemment avec Kurumi Sugita et Bruno Chareyron.


L’émission

  • 01 min : le billet de Dominique H
  • 06 min : « Les copains d’abord », Georges Brassens
  • 09 min : l’interview de Georges Griot, première partie
  • 23 min : « Greenwashing », Tryo
  • 26 min : l’interview de Georges Griot, deuxième partie
  • 35 min : les déchets radioactifs dans une piscine, par Kim
  • 40 min : l’agenda, par Céline
  • 41 min : « Plus jamais ça », NTM

Mobilisation contre la libération des déchets radioactifs issus du démantèlement des installations nucléaires

par Dominique H

Le vieillissement des centrales nucléaires pose de façon de plus en plus urgente la question de leur démantèlement et de ses suites: que faire des matériaux contaminés? Il était jusqu’à maintenant interdit de les réutiliser, cela risque de changer.

De quoi s’agit-il ?

De recycler après décontamination des matériaux issus de l’industrie nucléaire. Au- dessous d’un certain niveau de radioactivité appelé seuil de libération, ces matériaux seront libérés de tout contrôle et utilisés sans aucune restriction pour la fabrication d’équipements ou d’objets de la vie quotidienne.

La Criirad dénonce cette décision et lance un appel à mobilisation:

“La décision a été prise sur la base de rapports partiels et partiaux, au terme de débats biaisés qui s’efforcent d’escamoter les problèmes plutôt que de les faire émerger. Une fois de plus, l’option retenue consiste à alléger les charges pour les producteurs de déchets radioactifs en transférant les risques sur la population… Décider de « libérer » des centaines de milliers de tonnes de métaux contaminés est irresponsable. La CRIIRAD appelle la population à s’informer et à agir.”

Une étude exhaustive étant impossible, reprenons quelques arguments.

1/ la radioactivité ajoutée par le recyclage des matériaux contaminés restera très inférieure à la radioactivité naturelle, elle-même sans danger et omniprésente dans notre environnement

Non, il n’y a pas partout de radioactivité naturelle 

Non, la radioactivité naturelle n’est pas innocente. Elle est dangereuse et on le sait: ainsi, l’inhalation du radon, gaz radioactif naturel, cause selon les études officielles, et probablement sous estimées, 3000 morts par an par cancer du poumon.

Non, on ne peut prendre la radioactivité naturelle comme alibi pour en ajouter. Ce serait comme affirmer que les dégâts causés par un tremblement de terre justifient les malfaçons dans le bâtiment.

 2/  le procédé de traitement des déchets radioactifs sera efficace, parfaitement contrôlé et garantira à 100% le respect des seuils de libération.

 On décontaminera par fusion les éléments radioactifs métalliques dans un four électrique à 1650°, mais faute d’expérience, on ne sait pas exactement où iront les radionucléides . Migrent-ils dans les rejets, les parois du four ou restent-ils – et en quelle proportion – dans le métal recyclé ?

Par ailleurs, le dossier fait l’impasse sur les opérations les plus périlleuses.

 3 Les matériaux recyclés n’atteindront jamais une dose dangereuse de radioactivité.

Les deux scénarios envisagés dans les études minimisent les risques et n’apportent pas cette garantie. Illustrons- les par un exemple :

  • Scénario de référence: un enfant passe 1 heure/jour sur une aire de jeu construite avec 10% de matériaux contaminés.
  • Scénario de faible probabilité: l’enfant joue 3h/jour sur une aire contaminée à 50%

C’est le maximum envisagé, une exposition supérieure étant considérée comme improbable. Par ailleurs, il n’y a pas dans les études de critère collectif (le nombre de personnes impactées), ni d’analyse de cumul dans le temps et l’espace.

Quelles conséquences sur notre environnement?

La dissémination de radionucléides dans les lieux de vie et de travail! Il faut, en préalable absolu, mettre à jour les normes de radioprotection.

Plus grave, cette dispersion sera irréversible. On a dans le passé récupéré à grand peine et grands frais des objets radioactifs autorisés à tort, tels que montres au radium. Là, le retour en arrière sera impossible par manque de traçabilité. Si on découvre des effets sanitaires accrus ou inédits, les autorités seront démunies.

D’autres options seraient moins risquées, aussi bien pour la planète que pour la santé de ses habitants mais elles n’ont pas été proposées au débat. Répondons à l’appel de la Criirad, il ne faut pas ouvrir la boîte de Pandore!

Les déchets radioactifs dans une piscine

par Kim

Kim, tu vas nous parler de déchets nucléaires, au lendemain du procès, à Bar-le-Duc, de sept personnes poursuivies, mais pourquoi au fait ?
Bonjour Pierric, bonjour à toutes et tous. Eh bien, poursuivies… on ne sait pas trop pourquoi, à vrai dire, si ce n’est qu’elles se sont opposées fermement, comme des milliers d’autres personnes, au projet d’enfouissement de déchets Cigéo, à Bure, dans la Meuse.
On en profite pour renouveler notre soutien aux personnes poursuivies, en attendant l’énoncé du verdict, le 21 septembre prochain. On va aussi en profiter pour faire ensemble un petit tour d’horizon des déchets nucléaires en France.
Mais écoutons d’abord Anne Lauvergeon, alors PDG d’Areva, en 2008 au micro d’Europe 1, à propos des déchets : « Les déchets radioactifs français, pour tout le parc nucléaire, sur les trente ans de fonctionnement et les 58 réacteurs, c’est la taille d’une piscine olympique ».
Écoutons aussi JM Jancovici, un lobbyiste pro-nucléaire dans une interview au journal Marianne en 2020 :
« La totalité des déchets vraiment dangereux que le parc nucléaire français a produit depuis le début de son fonctionnement tient dans une piscine à la Hague. »
Curieux, cette irrépressible envie de tout faire rentrer dans une piscine. Examinons tout ça de plus près.
Les stocks de déchets radioactifs présents sur le territoire français fin 2019 sont de 1 670 000 m3. Sur ce total, 60 % sont issus de la production d’électricité.
Contrairement à ce que disent les défenseurs du nucléaire, les déchets de cette industrie ne sont pas regroupés sur un même site mais bien disséminés partout sur le territoire. Un exemple : les anciennes mines d’uranium, plus de 200, sont réparties sur 27 départements.
Quant aux piscines de la Hague, la description sommaire faite par M. Jancovici ne reflète en aucun cas la réalité. L’usine de retraitement de la Hague est une installation mise en service en 1966 et avait alors pour vocation de produire du plutonium à des fins militaires. Environ 10 000 t de ces combustibles y sont entreposés, la superficie du site étant de 300 hectares. Il ne s’agit donc pas d’une banale piscine, mais bien d’un équipement stratégique puisque sans exutoire, la filière électronucléaire ne pourrait pas fonctionner. Le hic, c’est que ces piscines d’entreposage sont pleines à 92 % et arriveront à saturation en 2030. La rustine imaginée par les exploitants est la construction de deux piscines d’entreposage supplémentaires. Cela représenterait la bagatelle de 1,25 milliard d’euros rien que pour une piscine.
N’oublions pas de mentionner les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue et le projet Cigéo à Bure. Ce projet d’enfouissement de déchets nucléaires pose d’insolubles problèmes sur au moins quatre plans : scientifique et technique, financier, démocratique, philosophique.
Arrêtons-nous brièvement sur les chiffres : Cigéo, ce projet d’enfouissement de déchets, ce serait 270 ha d’installation nucléaire, 300 km de galeries souterraines, le tout réparti sur cinq villages. Remarquons aussi que l’Andra, l’agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, a acheté 2600 ha de forêts et terres agricoles dans le cadre de ce projet.

Ça fait quand même beaucoup pour une simple piscine olympique. Mais ce n’est pas tout…
Et non !
On pourrait aussi mentionner les déchets jetés dans l’océan, dans la Manche, entre 1946 et 1993, déchets produits par quatorze pays. On parle ici de 17000 t de déchets.
On pourrait aussi mentionner les déchets du futur démantèlement des centrales nucléaires. On peut noter que les deux centres de stockage, dans l’Aube, ne sont pas dimensionnés pour accueillir ces déchets. D’où la solution surréaliste envisagée par le gouvernement et dont Céline nous a parlé.
On pourrait aussi mentionner les déchets nucléaires militaires. Il y a les déchets produits lors de la fabrication et l’entretien des armes nucléaires. Mais aussi des déchets produits lors des essais nucléaires français, en Polynésie et en Algérie. Dans le Sahara algérien, l’armée française a réalisé 17 essais d’explosion de bombes atomiques entre 1960 et 1966. Le matériel et les déchets générés ont, en toute simplicité, été laissés sur place.
Les déchets radioactifs ne se résument donc pas à une piscine. Laisser croire à la population que les déchets sont un tout petit problème et que ce problème peut se réduire aux seuls déchets les plus radioactifs est tout simplement mensonger.
Il n’y a pas de solution simple pour ces déchets, donc commençons déjà par arrêter d’en produire.