Atomic Mac, janvier 2021 : EPR leaks

L’émission de ce mois s’intéresse aux failles de sécurité du site du réacteur EPR de Flamanville, suite aux révélations de Greenpeace France et Mediapart. Nous interviewons la journaliste Jade Lindgaard, qui a mené l’enquête sur des milliers de documents qui ont fuité.


L’émission

  • 01 min : le billet de Georges à Fukushima
  • 04 min : Requalification de matières en déchets radioactifs : un jeu de dupe ? par Kim
  • 08 min : « Mother nature’s son », The Beatles
  • 11 min : l’interview de Jade Lindgaard, partie 1/2
  • 21 min : « L’âge nucléaire », La Rue Kétanou
  • 26 min : l’interview de Jade Lindgaard, partie 2/2
  • 34 min : Le bal des faux nez, par Dominique
  • 38 min : l’agenda, par Céline

Le billet de Georges à Fukushima

par Georges

Bonjour auditrices et auditeurs de cette émission d’information citoyenne sur le nucléaire ! aujourd’hui retour sur des émissions de France inter diffusées cet été !( d’après Pierre Fetet sur fukushima blog )
La radio publique France Inter programme régulièrement des émissions sur Fukushima. Cet été 2020, l’émission « Je reviens du monde d’avant » de Giv Anquetil  consacre deux numéros sur la catastrophe nucléaire en compagnie de la sociologue Cécile Asanuma-Brice (CNRS Tokyo) : « Japon – Fukushima, 9 ans après, retour à l’anormal (vivre avec la radioactivité) » le 26 juillet et « Japon – Fukushima, avec les femmes et les mères en lutte » le 16 août. À écouter en podcast sur le site de France Inter. 
Japon – Fukushima, 9 ans après, retour à l’anormal (vivre avec la radioactivité)
« Autour de la centrale de Fukushima Daiichi, les routes traversant l’ancienne zone d’évacuation sont rouvertes les unes après les autres, et des villages autrefois condamnés sont déclarés vivables par les autorités – soucieuses d’un retour à la normale. Les travaux dureront plus de 40 ans mais la société Tepco garantit que tout est fait pour que la zone soit « revitalisée ». Sauf que les villages comme Iitate, où nous allons avec la sociologue Cécile Asanuma-Brice (CNRS Tokyo), restent désespérément vides. 
Seuls 20% des habitants reviennent, tel Ito-san, vaillant retraité qui se dit trop vieux pour craindre les radiations et qui arpente la campagne environnante pour documenter les niveaux de radioactivité. Car si la terre des champs et autour des maisons est méthodiquement grattée (des 5 premiers centimètres contaminés) pour être stockée un peu partout dans le paysage dans des piles de sacs noirs, la nature de ces montagnes verdoyantes est toujours hautement radioactive. »
Japon – Fukushima, avec les femmes et les mères en lutte
« Alors que la fin des aides gouvernementales aux personnes déplacées manifeste la volonté des autorités de tourner officiellement la page de la catastrophe nucléaire de Fukushima, d’irréductibles citoyennes continuent de se battre pour faire toute la vérité. Malgré les messages toujours rassurants de la compagnie Tepco (responsable de la centrale), une multitude d’associations de femmes ont réussi à faire admettre leur expertise citoyenne dans l’après-Fukushima. Yuri Chiba, de l’association des MamaBecq (comme Becquerel), mesure la radioactivité dans les cours d’écoles. Mari Suzuki propose, avec le collectif Happy Island, de réaliser gratuitement des échographies de la thyroïde pour dépister les cancers. Et Mmes Muto et Sakiyama poursuivent Tepco et les pouvoirs publics devant les tribunaux. Pour les mettre face à leurs responsabilités. »…


Requalification de matières en déchets radioactifs : un jeu de dupe ?

par Kim

Kim, tu te penches aujourd’hui sur un sujet assez obscur : la requalification de matières radioactives en déchets.
Oui, c’est effectivement un sujet obscur et un peu abstrait. Mais l’enjeu est grand et je vais essayer d’expliquer pourquoi.
Il faut d’abord comprendre un élément clé pour la filière électronucléaire : elle distingue matières radioactives d’une part, et déchets radioactifs d’autre part. Pour qu’une substance soit considérée comme une matière radioactive, il faut qu’une utilisation ultérieure soit prévue ou envisagée. Sinon, c’est un déchet radioactif. Dans le cas d’une matière radioactive, celle-ci peut être entreposée temporairement avant d’être utilisée. Dans le cas d’un déchet, on ne sait pas quoi faire d’autre que d’envisager de l’enfouir dans un trou.
En 2020, l’ASN, l’Autorité de sûreté nucléaire, a publié un avis concernant la gestion des matières radioactives. Elle s’intéresse, entre autres, à l’uranium appauvri, qui est un sous-produit de l’étape d’enrichissement de l’uranium. Dans son avis, l’ASN remet en cause le statut de matières radioactives de l’uranium appauvri. Je cite : « l’ASN estime indispensable qu’une quantité substantielle d’uranium appauvri soit requalifiée, dès à présent, en déchet radioactif ».

D’accord, mais quelles sont les conséquences ? En quoi ce statut matière versus déchet radioactif est-il important ?
Rien que pour l’uranium appauvri, l’enjeu est déjà considérable : à fin 2018, les quantités stockées sont de 318 000 t, soit environ 227 000 m3. C’est plus du triple du volume des substances considérées officiellement comme des déchets de catégorie faible activité à vie longue. Autrement dit, la collectivité n’aura plus 94 000 m3 de déchets de ce type à gérer, mais plus de 320 000.
Mais cela ne s’arrête pas là : cette requalification de matières en déchets radioactifs peut concerner d’autres types de substances, tels que le combustible MOX usé, l’uranium enrichi usé ou encore l’uranium de retraitement enrichi. Nous pensons que ces matières seront tôt ou tard, de façon inéluctable, à requalifier en déchets de haute activité à vie longue (HA-VL). Greenpeace France estime que ces déchets déguisés représentent « 5 à 7 fois plus que le volume de déchets HA-VL existant et recensé officiellement. »
Un dernier mot concernant l’autorité de sûreté nucléaire : celle-ci parle de « quantité substantielle » à requalifier. Mais qu’entend-elle exactement par ce terme « substantielle » ? Pourquoi laisse-t-elle ce flou qui donne toute latitude à l’exploitant, EDF, pour ne rien faire ? De plus, ses positions reposent notamment sur la plausibilité d’une réutilisation de matières « à l’horizon d’une centaine d’années ». Mais l’ASN, ou quiconque, a-t-elle la moindre idée de ce à quoi ressemblera le monde dans une centaine d’années ? Nous pensons que la position de l’ASN est bienvenue, mais bien trop timide. Financièrement, l’impact d’une requalification de matières en déchets serait désastreux pour la filière nucléaire, déjà au bout du rouleau. Nous parlons ici de dizaines, voire de centaines de milliards d’euros à dépenser sur au moins un siècle.


Le bal des faux nez

par Dominique H

Le chauffage au gaz équipe actuellement 21 % des maisons neuves et 75 % des logements collectifs neufs. Pour diminuer l es émissions de gaz à effet de serre, la nouvelle réglementation environnementale (RE 2020) prévoit de l’interdire dans les
nouvelles constructions, dès l’été prochain pour les maisons individuelles, en 2024 pour les logements collectifs.

La tribune de Clamadieu- Schwartz, une fausse polémique ?
En réponse, Jean- Pierre Clamadieu, président d’Engie, et Arnaud Schwartz, président de France nature environnement, ont cosigné le 17- 12 une tribune dénonçant “ le mythe du tout électrique”: ils rappellent que, contrairement à l’idée reçue, ce n’est pas une énergie décarbonée car la pointe des périodes de grand froid est assurée par des centrales thermiques. Par ailleurs, le réseau électrique déjà en tension dans les périodes hivernales ne supporterait pas cette orientation . Et puis, verra- t- on revenir ces convecteurs énergivores, souvent appelés grille- pain, qui augmenteraient considérablement la facture des ménages pour un confort moindre ?

Clamadieu et Schwartz proposent des alternatives au tout électrique.
1 Économiser l’énergie, avec une réduction ambitieuse de la consommation de plus de 20 % d’ici à 2030 et de 50 % d’ici à 2050 car, rappelons- le, “la meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas”. Il faut pour cela travailler sur la construction et l’isolation des bâtiments.
2. Développer les sources renouvelables : le solaire thermique, la géothermie, le biogaz issu de déchets agricoles (actuellement moins de 1% dans les réseaux mais en plein développement), le bois, le photovoltaïque, les énergies marines renouvelables… “Disponibles à proximité immédiate du besoin, elles s’adaptent à l’individuel comme au collectif, au résidentiel comme au tertiaire, et sollicitent beaucoup moins les grands réseaux énergétiques.”

Mais c’est précisément ce qui est écrit dans la loi de transition écologique !
Avec un bel ensemble, la ministre de la transition écologique Barbara Pompili, le président d’Engie et celui de FNE affirment ce qui nous réjouit aussi (je cite la tribune mais des idées comparables se trouvent dans la RN 2020): “Un mix multi-énergie permettrait d’économiser de l’ordre de 50 % sur le coût de la décarbonation complète du système énergétique, soit 100 milliards d’euros pour les Français, tout en créant des emplois et des débouchés industriels. Soutenable pour le pouvoir d’achat des citoyens et la compétitivité des entreprises, ce serait l’occasion de créer de nouvelles filières dans les territoires, génératrices d’emplois et cohérentes avec une transition énergétique vers le 100 % renouvelable.”

Alors, pourquoi cette dissension?
– L’objectif de Clamadieu serait-il simplement de protéger les dividendes des actionnaires d’ Engie, sans parler des investissements énormes en infrastructures pour importer le gaz russe et américain, en prolongeant le gaz fossile ? En ce cas, l’éloge du renouvelable et la critique de l’électrique ne seraient qu’un paravent et la signature de Schwartz un alibi.
– Inversement, le tout électrique est-il le véritable enjeu de cette loi, correspondant au choix de prolonger le nucléaire? Certes, Pompili élimine absolument le recours aux “grille pain” mais elle cite les pompes à chaleur collectives. Et la visite de Macron le 8 décembre dernier au Creusot, dans lequel elle l’accompagnait, a été pour le président l’occasion de rappeler son soutien au nucléaire, qu’il soit civil ou militaire. Il veut “en même temps” réduire à 50% la part du nucléaire pour 2035 et en faire une filière “performante”. La mise en service de Flamanville (prévue pour 2023 malgré les défauts de sa cuve), le projet de 6 nouveaux EPR (à trancher d’ici juin 2021), c’est le choix de la fuite en avant. Un choix qui nous enlève les moyens de réellement investir dans les renouvelables et signe notre recul sur la scène européenne et mondiale car l’EPR de Flamanville n’a fait la preuve, jusqu’à maintenant, que de son incapacité à fonctionner malgré son coût faramineux.

Serait- ce le bal des faux nez ?
Clamadieu, Schwartz, Pompili, tous s’accordent à proclamer que l’avenir est dans les économies d’énergie et le développement du renouvelable. Quelles arrière-pensées, quels intérêts cachent ces déclarations ? Où est la volonté politique de mettre en œuvre une vraie transition écologique ?