Lettre des Mères de Fukushima ( lue lors de la chaine humaine du 14 mars )

Message de Ruiko MUTÔ

Quatre années se sont écoulées depuis le début de l'accident nucléaire de Fukushima.

Même si l’on sent déjà poindre quelques signes annonciateurs de printemps, Fukushima est encore plongée dans la froidure de l’hiver.

Et pour nous tous, le présent de Fukushima, ce sont surtout des difficultés sans cesse croissantes.

Ce sont environ 6.000 travailleurs qui, exposés à des doses massives d’irradiation, interviennent chaque jour sur le site de la centrale accidentée dans des conditions d’une dureté extrême.

Ce sont les autorités qui, pour éviter la pénurie de main-d'œuvre, s'apprêtent à rehausser encore la limite autorisée d’exposition aux rayons.

Ce sont plusieurs centaines de mètres cubes d'eau radioactive qui se déversent quotidiennement dans la mer.

C’est la réouverture à la circulation de la route nationale N°6, qui traverse des zones fortement contaminées : de nombreuses voitures l’empruntent alors que dans leur habitacle, le niveau de radioactivité horaire oscille parfois entre 4 et 7 microsieverts (Sv) – ce qui est supérieur de 30 à 120 fois à la normale.

C’est la politique du "retour" mise en place par les autorités, pour inciter les personnes réfugiées ailleurs à revenir vivre dans des zones encore trop contaminées.

C’est la "décontamination", qui consiste uniquement à empiler des monceaux de déchets radioactifs dans les zones habitées, et à construire de nouveaux incinérateurs "provisoires".

C’est le profit concentré entre les mains des grosses entreprises de BTP liées au lobby nucléaire. Et les installations de stockage intermédiaire, dont on cherche à hâter la construction, sans avoir suffisamment expliqué à la population les risques qu’elle encourt.

Ce sont les cancers de la thyroïde en constante augmentation chez les enfants irradiés. Mais on a décrété que ce phénomène n’avait rien à voir avec l’accident nucléaire.

C’est l’absence de mesures destinées à faire baisser la dose de rayonnements ionisants à laquelle ces mêmes enfants ont déjà été exposés : à part la poursuite de la décontamination des sols ou des maisons, aucune proposition n’est concrètement envisagée.

C’est la propagande en faveur de l’innocuité des radiations, qui continue de bâillonner les voix chargées d’angoisse et de souffrance.

Aucun dédommagement acceptable n’a été proposé aux victimes, et les responsables de cette catastrophe n’ont toujours pas été mis en cause.

Les zones sinistrées à la suite de l’accident nucléaire de Fukushima ressemblent toujours à des champs de bataille.

Mais se dressant contre une situation devenue de plus en plus intolérable, un nombre croissant de personnes se regroupent pour s’adresser à des médiateurs extrajudiciaires, ou intentent même des procès, afin d’obtenir réparation auprès des responsables de cette catastrophe.

En novembre 2014, une grande réunion a été organisée pour faire le lien entre les divers collectifs de victimes.

Aujourd’hui, une question se pose à chacun d’entre nous : comment pouvons-nous continuer d’agir ?

En ces temps où l’indifférence et l’oubli commencent à faire leur œuvre, il s’agit, plus que jamais, d’aiguiser notre sens de l’observation, de rester réceptifs aux informations et aux témoignages qui émanent de Fukushima, et d’approfondir avec lucidité notre réflexion.

Il s’agit, plus que jamais, d’exprimer notre empathie à l’égard des victimes de cette catastrophe, et de trouver les mots pour relayer leurs témoignages qui sont de l’ordre de l’indicible.

Aussi infimes que de minuscules gouttes d’eau dans l’immensité de l’océan, chaque parole, chaque acte posés pour faire front au déni des politiques et des industriels, affirment que même après cette « fin d’un monde » matérialisée par le tsunami et la catastrophe de Fukushima, la création d’un autre monde est encore possible.

C’est à nous de construire une société respectueuse de toutes les formes de vie, une société qui accorde le même prix à chaque être humain.

Ensemble, abolissons l’usage du nucléaire dans le monde entier !

 

traduction: Yosomono-net France.

 

 

 

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