Contribution de SDN 26-07 à "Dispositions spécifiques ORSEC pour les transport de matières radioactives ( TMR )"

M. le Préfet de la Drôme
3 boulevard Vauban
26030 VALENCE Cedex 9
prefecture@drome.gouv.fr

 

 Valence, jeudi 28 mai 2015 

 

Objet : Transport de matières radioactives, dispositions spécifiques ORSEC.

Monsieur le Préfet,

Nous vous remercions de nous avoir permis de consulter la version projet des dispositions spécifiques ORSEC concernant les transports de matières radioactives dans le département de la Drôme.

Étant donné le peu de temps qui nous était imparti, nos remarques ne sont pas exhaustives et nous prévoyons de continuer  à travailler sur votre document avec d’autres associations, ainsi qu'avec des scientifiques et des organismes indépendants.

Notre première remarque portera sur l’absence d’analyse du danger radioactif en dehors de situations accidentelles que peuvent représenter les convois de matières nucléaires sur les populations. Nous ne savons pas si ce document est complété par d’autres mais il nous semble anormal que vos services ne travaillent pas et ne réfléchissent pas sur les contaminations externes et internes provoquées par l’existence de plusieurs convois journaliers dans notre département.

Nous avons-nous-mêmes constaté en janvier 2013 en gare de  Saint Rambert d’Albon qu’un colis de type B et C TN 12 communément appelé « château » ou « Castor » est resté stationné plus de 30 mn en gare voyageurs alors que le SDIS intervenait sur le déraillement d’un autre train nucléaire dans le triage. Un tel transport est extrêmement radioactif, une demi-heure à moins de 7 m est suffisante pour atteindre le débit d’équivalent de dose de 1mSv/h

 En 2007, la CRIIRAD a filmé sur une aire d’autoroute un camion garé à côté d'un véhicule civil.Le rayonnement gamma du véhicule « au droit du chargement était 210 fois supérieur au rayonnement « naturel »    

(http://www.criirad.org/actualites/dossiers%202007/transport-rad_ete07/cr-transport.pdf)

Depuis 1998, les constats de la CRIIRAD sont récurrents : des débits de dose de plusieurs dizaines de microSieverts par heure (μSv/h) sont mesurés à proximité des chargements radioactifs, que ce soit sur des quais de gare ou sur des parkings d’autoroute ou d’agglomération.

En outre avec le démantèlement de Georges Besse 1,  de nombreux colis radioactifs risquent de faire partie des colis dit « Exceptés » sans étiquetage sur les faces externes de l’emballage. 

Cette absence d’analyses conduit inévitablement à une absence de prises de mesures de sécurité pour les populations comme les interdictions de stationnement sur les aires d’autoroute autour d’un camion nucléaire, les interdiction d’arrêt de wagon nucléaire en gare voyageurs ou dans une

agglomération etc …. De plus, une décision préfectorale d’étiquetage systématique de tous les colis serait la bienvenue.

Page 12 vous écrivez « des précautions sont à prendre lors du transport ».

Nous préconisons donc qu’un document annexe au plan ORSEC fasse état des décisions préventives de protection des populations vis-à-vis des convois radioactifs en situation « normale ».

Les situations potentiellement dangereuses ne sont pas répertoriées et étudiées.

Si votre document donne quelques informations  sur les flux de transports de substances radioactives par route, rail ou réseau fluvial, vous restez très évasif sur les fréquences  « il faut retenir que des transports de matières radioactives (destinées à l’industrie nucléaire ou médicale) circulent chaque jour dans le département de la Drôme…..p 18 », et ne donnez aucune indication des points les plus fréquents, de passage et de stationnement, ne répertoriez aucune agglomération fréquemment traversée, ne relevez aucun point noir (horaires et périodes de forte circulation sur l’autoroute, limitation du nombre de voies de circulation, état des infrastructures (voies ferrées, signalisation, état des routes….) ni des situations et des passages dangereux (passage à niveau, tunnels).

 Le stationnement en gare de Saint Rambert D’Albon de wagons radioactifs et en particulier de combustibles usés (TN 12) aux côtés de wagons issus de l’industrie chimique ou pétrolière n’est pas non plus abordé, pas plus que la traversée de villages sur la D 538 par des convois EDF lents, volumineux et  irradiants.

Les annexes 5 (rail) et 6 (routes) prévoient certes des fiches spécifiques «  le recensement et la mise en œuvre des moyens du GID (gestionnaire délégué d’infrastructure) pour gérer les situations perturbées, des annexes recensant les points particuliers (tunnels, viaducs, tranchées), une cartographie simplifiée des lignes de la région »  pour le rail  et des Plans d’intervention et de sécurité (PIS) pour chacun des exploitants du réseau autoroutier , il n’en reste pas moins que cette documentation n’est pas analysée de manière préventive par vos services et n’est pas mise à disposition desélus locaux.  Ainsi comme à Saint Rambert d’Albon  en 2013 la SNCF peut faire se croiser plusieurs wagons de combustibles usés  sur des voies de service et des appareils de voies en très mauvais état.

Page 35, vous déclarez que les actions des maires en cas d’accidents de transports nucléaires « revêtent une importance particulière tant pour anticiper et accompagner…… que pour aider à comprendre les réactions et les interrogations des populations » mais rien dans votre document n’indique quelles informations vous leur délivrez concernant la nature des transports, leurs fréquences, leurs risques en fonctionnement normal et accidentel. À aucun moment vous ne faites appel à leurs compétences, et leurs connaissances du terrain et des populations afin d’établir des itinéraires et des modes de transports les moins périlleux possible pour les riverains et les habitant-e-s des villes et villages traversés.

Nous préconisons que ces fiches spécifiques fassent l’objet d’une étude et d’un  retour d’expérience avec vos services (SDIS, etc…) et que les maires des communes ainsi que les associations et syndicats y apportent également leurs expériences et connaissances du terrain.

Concernant le document lui-même et ses annexes.

L’exposé de l’organisation des pouvoirs publics en cas d’accident est très clair (chapitre IV) et semble complet. Nous regrettons toutefois que la doctrine de l’Etat en matière de transports nucléaires ne change pas et que les conditions d’acheminement, d’itinéraires et de sécurité soient entièrement déléguées aux « Acteurs du transport », expéditeur et transporteur, sans que l’ASN, la préfecture et les élus locaux n’aient un pouvoir de contrôle, de suggestion  et de réglementation.

Ainsi vous insistez sur l’engagement de la responsabilité des expéditeurs et transporteurs (p 84)  alors que chacun sait qu’ils ne sont pas assurés pour ce type d’accident et donc qu’ils ne seront pas du tout en mesure d’indemniser et de réparer les dégâts causés par un accident nucléaire. 

Dans l’annexe 1, vous omettez les colis radioactifs non étiquetés (dit colis exceptés) et nous avons toujours des doutes sévères concernant les capacités des emballages TN 12, 13, 17 et LK 100 (page 27) à supporter des accidents ferroviaires dans un tunnel (tunnel de Valence ville), sur des passages à niveau ou en cas de « prise en écharpe. L’utilisation du conditionnel «  la matière ne devrait pas être en cause d’une irradiation lors d’un accident de sévérité inférieure aux scénarios précédents » est certes moins affirmative que précédemment mais n’est pas plus rassurante.  Une interdiction de croisement de ces convois, la protection des  passages à niveaux et l’évitement des tunnels seraient souhaitable.

Nous notons qu’enfin la réflexion sur les périmètres de sécurité intègre une zone de danger sous le vent. Par contre nous sommes très sceptiques sur le rayon de mise à l’abri des personnes de 5OO mètres voire de 1000 mètres et sur vos schémas de ZPP (Zone de protection des populations, page 5 annexe 6) . Nous avons l’impression que vous calquez vos documents sur ceux de la Défense (p 42). La protection des militaires lors des essais atomiques en Algérie et dans le Pacifique devrait pourtant amener vos services à douter de telle préconisation.

En Italie les services préfectoraux envisagent des évacuations jusqu’à 15km de l’accident.

Nous ne sommes pas compétents pour avoir un avis documenté sur l’annexe 6, nous allons travailler ce sujet avec des spécialistes et des scientifiques.

Quelques remarques, enfin, sur des données présentées dans ce document

Page 14  les effets déterministes. Il est très contestable de faire apparaitre uniquement les effets déterministes en omettant de préciser que la totalité des radioéléments, même à des doses limitées peuvent provoquer des cancers.

Page 16 vous ne désignez que les colis étiquetés sans souligner qu’une part non négligeable des transports nucléaires sont des colis dit « exceptés » ne portant aucune indication quant à leur radioactivité (voir étude CRIIRAD sur les transports).

Page 17 la carte des transports associés au cycle du combustible en France. Depuis plusieurs mois des transports d’UF4 par la route puis par le rail viennent d’Allemagne à destination de Pierrelatte (Tricastin)  Les camions font une halte à Bure.

En outre il y a plusieurs types d’échanges entre la Hague, le Royaume uni, la Belgique et la Hollande. Pour l’instant il n’y a plus de transports de combustibles usés en provenance d’Italie ni à destination de l’Allemagne, mais ces itinéraires peuvent être réactivés à chaque moment.

Page 18 : vous oubliez dans le réseau routier la départementale 538

Nous sommes, bien sûr, disposés à vous rencontrer soit directement soit par le biais de vos services pour compléter ce courrier.

Nous vous prions d'agréer,Monsieur le Préfet, l’expression de notre haute considération.

Pour SDN 26/07

Mme Christine Malfay-Régnier

M. Pierric Duflos

M. Dominique Malvaud

 

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